mardi 26 janvier 2010

Par hasard et pas rasé

J'avoue une passion coupable pour Serge Gainsbourg. Moins pour Gainsbarre.

J'aime le cynisme et la mélancolie de sa période jazzy. D'une grande modernité. Très inspirée par Boris Vian. D'ailleurs je trouve que la chanson française serait bien inspirée de retourner se nourrir d'un peu de jazz. J'aime la façon dont il a épousé la pop à guitares, sa période Swingin London avec ses arrangements hauts de gamme, ses duos avec Bardot et Birkin. J'aime bien sûr Melody Nelson et L'homme à la tête de chou, ses ahurissants concepts albums des 70's que nos amis anglo-saxons n'ont pas fini de piller. J'aime son flair d'être allé se réinventer à Kingston dans la musique la plus noire, même si côté look c'est le début de la fin. La suite je préfère ne pas en parler.

J'aime Gainsbourg et c'est pourquoi je n'irai pas voir le film de Joann Sfar. Je ne suis pas fan de biopics. L'intérêt artistique me semble fort discutable. Et puis le souvenir est trop frais pour que l'imitation ne me soit insupportable. Pourtant les critiques sont plutôt élogieuses, notamment au sujet de l'acteur chargé d'interpréter Gainsbourg. Mouais… j'ai vu pas mal d'extraits malgré moi et je ne peux nier une certaine ressemblance physique (en gros le nez et la barbe). Mais je n'ai pas retrouvé dans les yeux de l'acteur ce cynisme, ce second degré, ce mélange de pudeur et de lucidité qui rendait le personnage si intéressant. Mais je fais le mauvais procès de juger sans avoir vu. M'en fous je ne suis pas journaliste.

Avec le temps j'ai appris à apprécier Brel et Brassens. Ferré je ne peux toujours pas. Il me semble que ce type là a été gâteux toute sa vie. Lorsque je discute "musique" avec des personnes un peu plus âgées que moi, ils citent rarement Gainsbourg parmi les grands de la chanson française. Bon, pour être honnête la chanson française je m'en bats un peu les… Mais ça m'étonne toujours. Il est clair que le zombie aviné et volontiers vulgaire se ridiculisant sur les plateaux de télévision (et pour lequel j'éprouve malgré moi une certaine indulgence) a fait du tort à l'artiste dandy et exigeant mais cela n'explique pas tout.

En fait tout s'explique probablement par le fait que Gainsbourg, qui aura attendu (lui) d'avoir 30 ans de carrière pour jouer les moralisateurs a peu vendu de disques pendant sa période la plus créative. Le vrai mystère est là. Certes Gainsbourg n'avait pas les qualités de performer d'un Brel, loin de là, la profondeur d'un Brassens ou les qualités littéraires d'un Ferré mais il avait un énorme avantage sur eux : la musique. Et encore, d'un point de vue littéraire, L'eau à la bouche par exemple n'a pas grand-chose à envier à la concurrence. La musique, le goût et la modernité. Car chez les 3 susnommés, de musique il n'y a point. Faites écouter à un non francophone si vous avez besoin de vous en convaincre. Aujourd'hui encore lorsqu'on écoute les enregistrements de Gainsbourg à la fin des années 50, on croirait que ça été enregistré 200 ans après Brassens… J'en reviens inlassablement à la même conclusion : en France on aime la chanson, mais pas la musique.

Je n'irai pas voir le film. Mais quelque part je suis content qu'il existe.


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