Suite à l'un de mes post où je traitais du féminisme, une lectrice me disait récemment ceci (le "vous", nous concernant bien sûr nous les mâles) :
Vous voulez nous imposer un autre code moralisateur. Celui du sexe comme loisir, jeu, détente, sport peut-être, sans charge émotionnelle ou sentimentale.
La première question est bien évidemment de déterminer si je dois légitimement me sentir visé, si je suis devenu malgré moi un moralisateur (quelle horreur !). Certains y liraient peut-être une pique contre la gente masculine, moi j'y vois plutôt un point de vue qui se défend.
Il est évident qu'en vous narrant mes aventures et rencontres sous le prisme d'une quête du plaisir physique je fais, que je le veuille ou non, la promotion de l'aventurisme sexuel, de l'adultère, du sexe récréatif. Je m'inscrirais donc dans cet autre code moralisateur. Même s'il n'a jamais été question pour moi de convertir qui que ce soit à quoi que ce soit. Quoique. Je dois avouer que dévoyer une jeune femme ou dévergonder une femme mariée est plutôt plaisant.
Je ne peux nier qu'il existe une forme de pression sur les femmes, de la part des hommes dans mon genre, de la part du porno, de la part de ses consommateurs réguliers, pour qu'elles se conforment à un modèle de femmes faciles qui arrange bien la gente masculine. La pression serait-elle si forte que la femme y céderait malgré elle ? J'ai de très sérieux doutes. Mais je suis bien sûr d'accord pour dire que liberté sexuelle ne rime pas obligatoirement avec sexe de consommation. Mais sans démagogie aucune, je ne vois pas pourquoi vivre ses désirs sans contraintes serait un privilège masculin. Nos égos, nos penchants possessifs doivent-ils en souffrir.
Mon point de vue est simple. Libre à chacun(e) de vivre sa sexualité comme il l'entend. Tant qu'elle n'implique que des personnes consentantes et majeures, aucune sexualité n'est critiquable.
Il est clair pour moi que la relation entre sexe et sentiments est au cœur de bien des incompréhensions entre hommes et femmes. Et le comportement typiquement masculin qui consiste à tromper l'ennemi (le terme n'est pas trop fort tant certains hommes considèrent la femme qu'ils veulent mettre dans leur lit comme une adversaire plutôt qu'un complice) en mentant sur ses intentions et son implication future n'arrange pas les choses.
Pour schématiser il est communément admis que les hommes sont tout à fait capables de séparer sexe et sentiments quand la femme elle a besoin de sentiments pour sexer. C'est à la fois vrai et caricatural. Je connais bien des hommes qui ne sexent qu'amoureux et j'ai rencontré bien des femmes qui pratiquent le sexe récréatif. D'ailleurs, je constate que les femmes qui pratiquent régulièrement le sexe pour le sexe sont souvent plus dures dans les rapports humains et plus jusqu'au boutistes dans leurs pratiques. Pour l'anecdote, quasiment toutes les femmes (et plus encore les femmes en couple) avec lesquels je discute sur le site libertin que je fréquente me disent être harcelées par des hommes transis peu avares en déclarations amoureuses. Qui l'eut cru ?
L'une des raisons qui explique que les hommes soient plus enclins que les femmes à pratiquer le sexe pour le sexe est bien évidemment la plus grande facilité masculine à prendre plaisir avec une inconnue, même si - sujet tabou - les défaillances et départs rapides sont bien plus courants que les hommes n'aiment à le laisser croire. C'est un fait, la mécanique du plaisir féminin est autrement plus complexe et cérébrale que son homologue masculine. Et puis, reconnaissons-le, l'aventurier sexuel, aussi fier soit-il, est parfois trop égoïste et/ou ignorant. Comme le dit le proverbe, chatte échaudée...
Le rejet - ou la non-adhésion - du sexe pour le sexe par nombre de femmes est donc bien sûr lié au fait que la femme qui s'y essaie n'y trouve pas toujours son compte sexuellement mais aussi à des critères moraux, à des schémas familiaux qui ne datent pas d'hier. Je comprends qu'une femme qui adhère à ses valeurs se sente déroutée et sous pression face à un discours qui tente de remettre en cause tout un équilibre. Il me semble aussi que, pour diverses raisons, la femme subit de plus en plus la pression de l'horloge biologique. Les rencontres sans lendemain ou de courte durée sont vécues comme une perte de temps qui les détourne de leur objectif : trouver celui qui sera le père leur(s) enfant(s).
L'une des questions que l'on peut se poser, c'est pourquoi ce désir de séparer sexe et sentiments grandit-il, chez l'homme comme chez la femme moderne ? Les causes sont je crois multiples.
Il y a je crois pour beaucoup d'entre nous l'envie d'assumer et de vivre pleinement nos fantasmes, nos envies de renouvellement des partenaires, de pluralité. Si cette sexualité n'est pas partagée par tous, elle n'en est pas moins noble à mes yeux quand elle se pratique avec respect. Pour beaucoup il s'agit de pulsions que nous nous devons de réprimer mais j'attends toujours que l'on me prouve que l'Homme (avec un grand H) est monogame de nature.
Le sexe récréatif est bien sûr largement pratiqué par les hommes et femmes mariés (ou en couple). Les aventures sans lendemain ou les relations suivies sans implication ("sans prise de tête" comme on dit sur les forums et sites de rencontre) représentent une évasion, un jardin secret, une bouffée d'oxygène, sans remettre en cause le confort du couple.
Le sexe pour le sexe est bien sûr populaire car il représente une solution de facilité. Ne prendre que le meilleur. Ne pas faire l'effort des concessions qu'impliquent une relation amoureuse et une vie de couple. A la décharge des (jeunes) hommes, il faut dire qu'une certaine tendance féminine à vouloir bruler les étapes et à refuser de se donner le droit à l'échec fait souvent démarrer une relation sur des bases peu saines. Il est intéressant de noter qu'une immense majorité des femmes célibataires qui pratiquent le nomadisme sexuel sont des femmes récemment séparées, désireuses de vivre une sexualité intense qui les a fuies durant leur vie de couple, mais qui ne se sentent pas prêtes à se lancer dans une relation affective. Je crois également que les hommes pensent que les sites spécialisés permettent d'écourter la phase de drague/séduction. Ce qui bien sûr est rarement le cas.
L'aventurisme sexuel permet de vivre ses fantasmes à la carte. Quelques soient vos goûts, il est très probable que vous trouviez sur Internet un, une ou des partenaire(s) qui les partagent. Mais il n'est pas évident qu'il(s) ou elle(s) soi(en)t hors contexte sexuel suffisamment à votre goût pour partager avec vous les traites d'un monospace. Et inversement, même s'il ne devrait en être ainsi et malgré tout l'amour que vous pouvez partager, il n'est pas toujours évident de proposer la réalisation de certains fantasmes à l'homme ou la femme de sa vie.
En parlant de réalisation de fantasmes, j'ai à plusieurs reprises été choqué par le discours de certaines femmes (en couple libertin) consommatrices d'hommes noirs, qui me confiaient à quel point elles aimaient les avoir pour amants, mais s'empressaient d'ajouter qu'elles ne pourraient jamais "vivre avec un black", à coups de justifications révoltantes. Comme disait MC Jean Gab'1, le comble du racisme c'est de tringler ce qui rebute. Fin de la parenthèse.
Bien sûr, lorsqu'il se met en quête (en chasse ?) d'une partenaire de sexe sans prise de tête, le mâle souffre parfois (souvent ?) d'un problème de représentation de la femme. Dans son esprit, son interlocutrice sera forcément une grosse cochonne insatiable totalement au service de son plaisir. Une super-baiseuse qui va accepter de réaliser tous les fantasmes masculins véhiculés par le porno, et qui bien sûr prendre son pied. Alors, il trouve normal de proposer un fist-fucking dans les 10 premières secondes d'une conversation. Confronté à la réalité des désirs féminins, il est perdu et devient agressif.
On peut critiquer les sites de rencontres sexuées ou les clubs de débauche. L'aspect consumériste. Le choix de partenaires sur catalogue. Ce sont des arguments que j'entends fort bien. D'autant plus que le poids des habitudes (et des frustrations ?) fait que les rapports y sont de plus en plus tendus. Mais je trouve que ce n'est pas moins noble que les sorties du samedi soir en discothèque, où tout le monde est là pour baiser, sans (se) l'avouer et parfois sans le faire. A titre personnel, je suis content de ne pas devoir subir pendant des heures de la musique de merde pour trouver une partenaire de jeu. Mais il est vrai également que la tendance, de plus en plus forte sur les sites de consommation sexuelle, à considérer le sexe comme une discipline sportive et à considérer la séduction comme un casting me navre.
Quelque soit notre vécu affectif et sexuel, quelques soient les raisons qui nous ont amené à pratiquer le sexe récréatif, je doute qu'il puisse se pratiquer durablement sans complicité, sans séduction, sans partage. Depuis que je papillonne j'ai vécu des moments d'une intensité sexuelle incroyable, j'ai réalisé nombre de mes fantasmes, mais à l'heure du bilan ce qui ressort avant toutes choses c'est la beauté des rencontres et des personnalités.
Bande son
Willie Dixon - Back Door Man